Se coucher tard
- Anne-Marie Barrès
- 2 févr.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 févr.

Bien souvent, nous vivons des « journées de dingue », nous enchainons les tâches à la vitesse de l’éclair. Préparer les enfants pour partir à l’école, les emmener et les déposer devant l’établissement, filer au bureau et attaquer le rapport hyper urgent et la rédaction des diverses offres pour les clients, gober un sandwich sur notre ordinateur, assister à trois réunions et en ressortir avec une to-do list grandement rallongée, boucler le rapport hyper urgent, envoyer les offres aux clients, effectuer ce qu’il fallait faire suite aux réunions, quitter le travail pour foncer chercher les enfants à l’école, les déposer au cours de judo et au cours de peinture, en profiter pour aller faire quelques courses, récupérer les enfants, préparer le repas en mode express, coucher les enfants, ranger un peu la maison, sortir le chien et enfin, enfin ! aller se coucher.
Sauf que… en y regardant bien, cette journée hyper active ne nous apporte qu’une satisfaction limitée. Nous n’avons pas eu de temps pour discuter un moment avec notre conjoint.e, nous n’avons pas eu le temps pour jouer un moment avec les enfants, nous avons un peu la sensation de n’avoir eu de temps pour rien, alors que nous n’avons pas arrêté.
Et alors que nous nous disons qu’il est temps d’aller nous coucher, que nous sommes très fatigué.e.s par ce rythme, que nous allons nous endormir tôt car demain une autre journée tout aussi active nous attend, voilà que nous commençons à scroller sur les réseaux sociaux, à regarder une série en se promettant que ce ne sera qu’un épisode mais au final nous en regardons trois, à regarder des vidéos jusque tard dans la nuit. Et alors que nous voulions nous coucher tôt, nous nous retrouvons à nous coucher tard. Nous n’avons plus que quelques heures pour nous réparer de la fatigue de la journée écoulée, quelques petites heures vraiment insuffisantes.
Et le lendemain, nous repartons sur le même rythme, encore plus fatigué.e.s que la veille faute de sommeil réparateur. Tout comme hier nous bouclerons une journée de dingue et tout comme la veille, et lorsque nous aurons sommeil et qu’il nous semblera beaucoup plus raisonnable d’aller nous coucher pour avoir une bonne nuit de sommeil, nous recommencerons à scroller pendant des heures alors que ça ne devait être « que quelques minutes, juste pour voir », nous recommencerons à regarder des séries ou des vidéos. Et nous bouclerons une nouvelle boucle d’une spirale descendante qui petit à petit nous entrainera vers une sorte d’épuisement profond qui nous sera dommageable.
Mais pourquoi faisons-nous cela alors que nous savons que ce n’est pas la meilleure chose à faire ? Que nous comprenons parfaitement que nous nous épuisons petit à petit ?
En fait, nous cherchons un moment de paix, un moment pour souffler, un moment vraiment à nous où nous pourrons tout lâcher, nous libérer de la pression, oublier la journée passée et ne pas déjà penser à la suivante. Nous voulons nous sentir mieux.
Mais en observant de plus près, alors que nous pensons nous faire du bien, nous nous volons de nombreuses heures de sommeil. Nous nous privons d’une ressource essentielle qui jouera un rôle déterminant dans la qualité de notre prochaine journée. Nous nous amputons d’un bien précieux sans même nous en rendre compte, alors que nous pensons nous offrir quelque chose de bien pour nous-même.
Comment est-ce possible ?
Simplement parce que, ce que nous nous prenons le soir, ce que nous prélevons sur nos heures de sommeil, nous n’avons pas réussi à nous l’offrir dans la journée. Nous avons échoué à nous octroyer un moment pour souffler, pour se reconnecter à nous-même, pour bouger notre corps dans une activités physique choisie en prêtant attention à nos ressentis, à prendre du temps avec nos proches.
Lorsque nous nous mettons devant un écran, nous oublions ponctuellement notre vie pour nous immerger dans ce que nous voyons. Cela nous donne l’impression de nous « décontracter le cerveau » et d’avoir momentanément un EEG (électroencéphalogramme) totalement plat, ce qui semble nous faire du bien. Momentanément c’est vrai, mais une fois l’écran éteint, les sujets de stress, de contrariété, les préoccupations reviennent aussitôt tourner dans notre cerveau. Sans oublier que regarder les écrans avant de se coucher perturbe grandement la production de mélatonine, une hormone indispensable au sommeil et à sa régulation, et continue à stimuler notre cerveau alors que précisément nous voulions le calmer.
Alors, si nous savons parfaitement planifier notre journée entre les enfants, le travail, les courses et les autres tâches à accomplir, nous devrions pouvoir nous ménager du temps pour nous. Ce qui semble tout à fait impossible au premier abord compte tenu de la densité dudit planning.
Et c’est là que nous devons être astucieux.ieuses. Nous ne pourrons pas nous octroyer de longues plages horaires ; nous avons vraiment beaucoup à faire. Mais nous pouvons prendre notre sandwich en regardant par la fenêtre les oiseaux picorer sur la pelouse et simplement apprécier le moment plutôt que de rester collé.e.s à notre ordinateur, nous pouvons décider de prendre l’escalier plutôt que de prendre l’ascenseur et nous demander ce que nous ressentons dans notre corps, nous pouvons prendre un moment pour serrer nos enfants dans nos bras plutôt que de les houspiller avant de partir à l’école car nous allons être en retard. Si nous sommes futé.e.s, nous pouvons nous offrir de nombreux petits moments rien qu’à nous, des petits moments de soi à soi, pour renforcer notre complicité à nous-même et nous redire combien nous nous aimons. Ces petits moments nous permettront de regagner en sommeil, d'avoir des nuits reconstituantes et le nombre d'heures de repos nécessaires à réaliser nos journées de dingue.
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